Primakov, l’artisan de la paix
Source : Primakov, l’artisan de la paix
La mort d’une personne invite toujours à nous interroger sur elle, sur son parcours. Evgueni Primakov (Евгений Примаков) a été un acteur majeur de la transition de l’URSS vers la Fédération de Russie. À l’opposé de la légèreté des dirigeants occidentaux à ce sujet, il a constamment recherché à éviter les bains de sang.
Il n’est pas simple de résumer une vie aussi riche. Il a été un partisan de la paix lors de la première crise irakienne. Même s’il n’a pu éviter la première guerre d’Irak, il a permis de ne pas impliquer la Russie dans le processus de destruction d’un pays et de déstabilisation d’une région. Au vu des résultats obtenus avec la guerre d’Irak, nous ne pouvons que louer la sagesse de cet homme qui a fait éviter le déshonneur à la Russie. Seuls des fous fanatiques, aveuglés par leur impérialisme, peuvent se glorifier des résultats. La France, avec sa complicité d’alors, en paye désormais le prix sur son territoire. Rappelons-nous que la chute du mur de Berlin et la réunification de l’Allemagne n’ont causé aucun mort.
Parfaitement au courant des réalités en Allemagne de l’Est du fait de ses fonctions, il avait compris le caractère explosif de la situation. Entre l’affrontement et le dogme, il a choisi la paix. Enfin, il est bon de se rappeler que c’est Evgueni Primakov qui a conduit les négociations et qui a signé l’Acte fondateur de Paris avec Javier Solana en 1997. Cet accord précisait les relations entre l’OTAN et la Fédération de Russie, mettant ainsi fin à la guerre froide.
Je n’aurai pas la cruauté de rappeler que, deux ans après, l’OTAN invitait la République tchèque, la Hongrie et la Pologne à les rejoindre. La stratégie de la tension refaisait son apparition.
Puis, président de la Chambre de l’économie et de l’industrie, il a préféré le bien commun de la Russie à l’engraissement des oligarques. Il a pesé alors de tout son poids pour que la manne pétrolière soit utilisée pour le peuple et les infrastructures russes. Comment ne pas rougir de honte lorsque les Occidentaux demandent à la Russie de verser 50 milliards de dollars aux spoliateurs des ressources naturelles. Bien avant d’invoquer les lois internationales, ils feraient mieux de s’interroger sur la morale de leurs actions. Mais il est vrai que pillage colonial et morale ne font pas bon ménage.
La vie d’un homme ne consiste pas à faire simplement le choix entre le bien et la mal, comme Hollywood tend à nous le faire croire. La réalité est beaucoup plus complexe et douloureuse.
Tout au long de sa vie, Evgueni Primakov a été porté par des valeurs qui font l’honneur d’un homme : patriotisme, probité et pacifisme. Ces valeurs étaient ses valeurs et nous inspirent le plus profond respect. À l’heure où nombre parlent de bellicisme russe, je voudrais leur rappeler que messieurs Poutine, Lavrov et bien d’autres ont pu bénéficier des apports de ce grand homme. Au vu de leurs actions présentes, ce sont les dignes héritiers de monsieur Primakov, un des plus grands artisans de la paix du XXe siècle