Thierry Lepercq, fondateur de Solairedirect et aujourd’hui membre du Comex du groupe en charge de l’innovation et de la recherche, voit grand. Notamment sur l’hydrogène, sur lequel il mise, à terme, comme substitut aux carburants fossiles.
Thierry Lepercq, fondateur de Solairedirect et aujourd’hui membre du Comex du groupe en charge de l’innovation et de la recherche, voit grand. Notamment sur l’hydrogène, sur lequel il mise, à terme, comme substitut aux carburants fossiles.
Elon Musk veut aller sur mars avant de s’attaquer au pétrole. Tout l’inverse de Thierry Lepercq, directeur général adjoint en charge de l’innovation, de la recherche et de la technologie chez Engie, qui voit dans les technologies à base d’hydrogène la possibilité, à terme, de se substituer aux énergies fossiles. Signe de l‘intérêt de l’ex. GDF-Suez pour cette technologie encore peu développée en France, c’est lors de l’AG de l’Afhypac (Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible) du 14 décembre dernier, organisée pour la première fois au siège du groupe, qu’il s’exprimait ainsi.
Responsabilité historique des grands énergéticiens
Pour Thierry Lepercq, le monde de l’énergie est actuellement bouleversé par plusieurs tsunamis déclenchés par la compétitivité désormais acquise des énergies renouvelables, les progrès réalisés dans les technologies de stockage entrées dans une logique de coût/volume, le développement des mobilités électriques et digitales, l’émergence de l’internet des objets et du big data et les nouvelles technologies telles que l’hydrogène. Le tout concourant à l’avènement d’un monde « full 3D », autrement dit totalement décarboné, décentralisé et digitalisé. Plus question de considérer l’hydrogène comme une niche réservée à des projets pilotes subventionnés, il est temps désormais de passer à une vision industrielle. Une vision « moonshot », comme celle qui a permis à Kennedy d’envoyer un Américain sur la lune. Et Thierry Lepercq de citer Victor Hugo (décidément très sollicité depuis quelque temps par les figures de proue des nouveaux modèles économiques) : « Il n’est rien au monde d’aussi puissant qu’une idée dont l’heure est venue. »
L’heure cependant n’est pas encore tout à fait venue de faire de l’hydrogène, ce chaînon manquant des systèmes énergétiques territoriaux, le vecteur universel qui doit permettre in fine de se substituer au pétrole, notamment dans la mobilité. Si « la technologie n’est pas encore dans sa « courbe en J » qui caractérise la phase de décollage », « le moment est venu de penser très grand », et il en va, selon Thierry Lepercq, de la « responsabilité historique des grands énergéticiens », et notamment de « la France, qui a su se montrer pionnière à d’autres époques. »
Plus d’énergie, moins chère et pour plus d’usages
Qu’on se le dise, on ne parle plus de « transition » chez Engie, mais de « révolution ». Les cycles d’adoption des nouvelles technologies ne sont pas linéaires, et c’est une nouvelle architecture de l’énergie qui est actuellement en train d’émerger. « Une révolution, c’est plus radical qu’une transition, et plus exigeant pour les entreprises qui doivent s’adapter », reconnaît Thierry Lepercq. Mais c’est aussi, en l’espèce « beaucoup plus d’énergie, beaucoup moins chère, et pour beaucoup plus d’usages. » Un groupe de travail auquel participe Engie vise un coût de la BTU (British Thermal Unit, unité de mesure en vigueur dans les énergies fossiles) à 5$ pour atteindre la compétitivité nécessaire.
Loin de la « stratégie des 20 ans » communément adoptée par les entreprises pour opérer le virage qui s’impose à elles, c’est dès maintenant que le directeur de l’innovation veut embarquer le groupe sur les technologies de demain à très fort potentiel, en visant chaque fois le leadership mondial. A la tête d’Engie Fab (qu’il aime à surnommer la « Moonshot factory »), bientôt implanté à côté de Engie Digital dans le 9ème arrondissement parisien, il supervise la direction recherche/technologie et ses deux laboratoires de Saint-Denis et Bruxelles, ainsi que l’innovation et Engie New Ventures. Ce fonds doté de 150 millions d’euros a déjà investi dans une quinzaine de startups, dont le réseau dédié à l’IoT de Sigfox, les films photovoltaïques de l’allemand Heliatek ou les systèmes à base de piles à combustible hydrogène de Symbio F Cell. «Nous souhaitons nous concentrer sur des participations stratégiques, dans des entités qui peuvent nous aider à devenir des leaders mondiaux», résume Thierry Lepercq.
Elaborer les modèles économiques de demain
Engie Fab, où prévaut une logique entrepreneuriale, se veut également une « fabrique à licornes », grâce à un processus normé fondé sur une méthode d’innovation ouverte qui doit permettre d’élaborer les business models de demain, en collaboration étroite avec les métiers de l’entreprise. À titre d’exemple, le groupe de travail dédié à la mobilité a identifié des axes de travail autour des stations de charge, de la gestion de flottes de véhicules carburant à l’hydrogène, ou encore de services de taxis autonomes, la voiture n’étant qu’un des éléments du système. Sur l’hydrogène, un sujet moins avancé, Engie Fab planche tout à la fois sur la production, le stockage et les usages, dans une logique territoriale.
Dans ce monde de l’énergie en plein bouleversement, la stratégie du groupe repose sur trois piliers : simplifier son portefeuille en se désengageant des énergies carbonées, dynamiser ses activités existantes grâce au digital et lancer de nouveaux business à l’échelle, notamment via des acquisitions. Précisément la mission de Thierry Lepercq et de ses équipes.